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Lecture du mémoire

Introduction

Le Marquis de Thuisy lègue la majeure partie de sa collection au musée Antoine Vivenel de Compiègne en 1913. Néanmoins, en dépit de son acte de générosité envers les Compiègnois, il demeure à ce jour méconnu dans sa ville natale.

 

La collection est un révélateur du goût, de l’état du marché de l’art et des connaissances que l’on a sur les objets à un moment et un lieu donné. Le musée Antoine Vivenel conserve une importante collection d’art asiatique constituée de plus de mille œuvres datant du XVIIe au XIXe siècle. Ces objets originaires du Japon, de Chine, d’Inde et d’Iran ont été donnés au musée par deux collectionneurs originaires de Compiègne. Depuis l’année 2018, les deux collections extra-européennes sont mises à l’honneur dans une salle d’exposition permanente. Cet espace muséographique permet, entre autres, la découverte de la partie la moins connue de la collection d’Antoine Vivenel, le fondateur le musée de Compiègne durant les années 1840. Les autres objets d’art exposés ont été légués au musée Antoine Vivenel par un personnage qui à ce jour fait l’objet de peu d’études : Eugène de Goujon de Thuisy, dit le marquis de Thuisy. Alors qu’il n’est pas reconnu au XXIe siècle, plusieurs sources du XIXe siècle présentent le marquis de Thuisy parmi des personnalités de son siècle. La vie du marquis commence en 1836 à Compiègne et se termine également dans l’Oise en 1913. Il débute sa carrière professionnelle et politique à Paris, en tant que secrétaire d’ambassade au ministère des Affaires Étrangères ; et termine sa vie dans l’Oise. En effet, il rejoint sa région natale après avoir assisté à la vie parisienne de la seconde moitié du XIXe siècle durant plus de dix ans.

 

En 1989, le musée du Louvre consacre une exposition temporaire à un groupe de donateurs. De ce fait, l’institution démontre le fait que pour comprendre au mieux les œuvres ; la connaissance de leur donateur a une importance. Le catalogue d’exposition présente les plus grands donateurs du Louvre sous la forme de notices, sans pour autant parvenir à représenter la générosité de tous ces donateurs. En effet, des donations au Musée du Louvre sont plus mémorables que les quatre boîtes léguées par le marquis de Thuisy. Au XIXe siècle, le collectionneur rassemble plus de mille objets, qu’il léguera à ses enfants, ainsi qu’au musée Antoine Vivenel de Compiègne, au musée Carnavalet et au musée du Louvre. Il s’agit essentiellement d’objets de petite taille, de sorte qu’ils puissent être conservés et exposés à l’intérieur d’une vitrine. Collectionneur de porcelaines élaborées dans les plus prestigieuses manufactures françaises, le marquis de Thuisy se passionne également pour les objets orientaux, majoritairement d’origines chinoise et japonaise.

 

Cette étude menée en 2018 et 2019 propose de mettre en valeur la collection du marquis de Thuisy durant l’événement culturel « Japonismes 2018 » organisé par la Maison de la culture du Japon à Paris. Les cent-soixante années de relations diplomatiques entre le Japon et la France sont célébrées par des études, des expositions et des spectacles mettant à l’honneur toute la richesse de la culture japonaise. Le musée des Arts Décoratifs révèle la richesse de son fond japonais ancien et contemporain avec une exposition : « Japon-japonismes. Objets inspirés, 1867-2018 ». Le Japon s’ouvre au monde il y a plus d’un siècle et demi et l’avènement de l’ère Meji simplifie les relations commerciales entre le Japon et l’Europe. De ce fait, le pavillon japonais de l’Exposition universelle de Paris en 1867 permet aux Français d’apprécier pour la première fois l’architecture et l’art décoratif japonais. L’exposition au musée des Arts Décoratifs présente le faste des intérieurs des collectionneurs de la seconde moitié du XIXe siècle et du début du XXe siècle. La personnalité du marquis de Thuisy n’y est pas présentée, bien qu’il rassemble l’une des plus riches et considérables collections de laques japonaises de France. Néanmoins, bien que sa pratique du collectionnisme s’insère dans le contexte culturel dépeint dans cette exposition, le marquis de Thuisy est un collectionneur singulier. Il ne côtoie pas les personnalités présentées par le musée des Arts Décoratifs et n’est pas cité dans le Journal d’Edmond et Jules de Goncourt. Ainsi, il se désintéresse des mondanités imposées par le collectionnisme parisien.

 

 

Bien que les collections n’aient cessé de fasciner, elles ne font l’objet d’étude que depuis quelques années. Longtemps pratiquées exclusivement par les conservateurs de musée, les premières études des collections menées dès la fin du XXe siècle par des historiens, des historiens de l’art et des sociologues, mettent en lumière des personnalités de collectionneurs et non plus strictement des œuvres. En 1987, Krzysztof Pomian stimule la recherche dans le domaine du collectionnisme avec la publication de son ouvrage Collectionneurs, amateurs et curieux, Paris, Venise : XVIe-XVIIIe siècle. L’auteur expose les mécanismes intellectuels qui président à la constitution des collections. À l’aide d’une documentation très riche, Krzysztof Pomian propose une réflexion au sujet des causes et des évolutions des collections. Par la suite, à l’aune du XXIe siècle, l’historien de l’art Pierre Cabanne compare l’évolution de la pratique du collectionnisme avec l’histoire du goût au sein des deux volumes de Les Grands collectionneurs. Il s’agit d’une présentation chronologique, du Moyen Âge à nos jours, des pratiques de célèbres collectionneurs autant que de collectionneurs à la réputation plus modeste. Ainsi, la proposition de Pierre Cabanne est innovante : l’écriture d’une histoire de l’art en parallèle de l’Histoire des collections, plutôt qu’à l’aide de l’histoire des créations. Enfin, plusieurs mémoires universitaires sont dédiés à des collectionneurs. Chaque travail de recherche présente le personnage, ses pratiques et ses goûts, toujours avec une visée patrimoniale de sa collection. En 2015, en tant qu’étudiante à l’École du Louvre, Chloé Kuhn choisit la collection d’Antoine Vivenel pour sujet de son mémoire d’étude. Elle brosse le portrait singulier du collectionneur et expose les logiques d’acquisitions de ce dernier.

 

À la manière d’Edmund de Waal dans son roman Le Lièvre aux yeux d’ambre, ce mémoire de recherche présente la personnalité d’un collectionneur puis le situe au sein du contexte culturel dominant de la seconde moitié du XIXe siècle. L’étude des goûts, des pratiques culturelles et des choix faits par le marquis de Thuisy permettront de retracer la genèse de sa collection. Aux antipodes du collectionneur Charles Cartier-Bresson (1853-1921), le marquis de Thuisy n’a laissé aucun écrit sur ses acquisitions. En parallèle de ses acquisitions, Charles Cartier-Bresson tient un cahier d’achat sur lequel il décrit chaque objet et mentionne sa date d’acquisition, sa provenance et son prix d’achat. Il s’agit là d’une « véritable mine de renseignements pour retracer la constitution de sa collection. » Il apparaît donc nécessaire de nous interroger sur la nature du projet du marquis de Thuisy et d'étudier les logiques qui ont guidé ses choix de collectionneur. Grâce à l’étude des diverses sources dont nous disposons aujourd’hui, il faut mettre en évidence les idéologies, les intentions et les influences du marquis de Thuisy, afin d’appréhender avec justesse les raisons d'être de sa collection et de ses dons.

 

Dans un premier temps, le personnage sera replacé dans son contexte historique et social et les choix du marquis de Thuisy seront étudiés au prisme de sa biographie. En effet, il s’agira de constater l’inscription des pratiques du marquis de Thuisy dans le Second Empire puis dans la IIIe République, tout en comparant ses choix à ceux de ses contemporains. Ainsi, les habitudes et les usages des plus illustres collectionneurs japonistes seront analysés tout au long de cette étude. Dans un second temps, il ne s'agira pas d'étudier la provenance et l’origine de création des œuvres du marquis de Thuisy, mais de proposer un aperçu global de sa collection et de construire le parcours d’achat de ses objets. L’association de ces deux thématiques de recherche sera l’occasion de produire, à la manière Rijksmuseum, des notices de renseignements complets au sujet de chaque objet d’art décoratif. Nous nous interrogerons également sur l’insertion de la collection du marquis de Thuisy aux événements culturels majeurs de la seconde moitié du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Enfin, le testament et l’inventaire après décès du marquis de Thuisy feront l’objet d’une consultation précise. Nous étudions les décisions prises par le marquis de Thuisy avant sa mort, puis les destinations de sa collection après sa disparition. En tant que bienfaiteur aux yeux de plusieurs musées, les décisions que prend le marquis de Thuisy lors de la rédaction de son testament en 1912 reflètent ses valeurs et ses intérêts personnels. En partant de ce principe, nous expliquerons les idéologies qui influencèrent ses choix.

 

En association avec le musée Antoine Vivenel, les thèmes traités dans ce mémoire de recherche ont été choisis dans une perspective de valorisation de la collection du marquis de Thuisy aujourd’hui conservée dans des institutions muséales accessibles aux publics. Au-delà des ouvrages de référence qui traitent du collectionnisme au XIXe siècle ; la valorisation de la collection du marquis de Thuisy se fera par un croisement de sources primaires de natures diverses, préservées aussi bien dans l’Oise qu’en Île-de-France. Un important travail de contextualisation a été effectué et permettra de comprendre au mieux les choix élaborés par le marquis de Thuisy durant le XIXe siècle. Dans le cadre de cette étude contextuelle, les publications au sujet des recherches de Monsieur Dominique Poulot ont été traitées, portant sur la patrimonialisation et sur l’institution du musée aux époques moderne et contemporaine. Pareillement, les recherches de Monsieur Arnaud Bertinet, présentées dans l’ouvrage Les Musées de Napoléon III, Une institution pour les arts (1849-1872), permettent d’appréhender l’institutionnalisation des musées sous le Second Empire . 

Ainsi, la création du Musée Antoine Vivenel et des donations qui lui sont faites seront abordées en tant que bienfaisances au service de l’utilité nationale. Par ailleurs, le manque de sources secondaires au sujet du marquis de Thuisy et de sa collection contraindra à formuler des hypothèses et des interprétations. Par conséquent, ce mémoire de recherche se présente comme une occasion d’évaluer le nombre de pièces d’archives disponibles qui concernent le marquis de Thuisy et sa collection.

Afin de découvrir la suite des recherches au sujet du marquis de Thuisy et de sa collection, veuillez télécharger les volumes suivant :

- Volume 1, Texte ;

- Volume 2, Annexes et figures.

Ce travail est la propriété intellectuelle de Fanny Bourroux. 

Veuillez contacter l'autrice avant chaque utilisation de ce texte ou d'une partie de ce texte.

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